Ilarie Voronca e Georgia O’Keeffe

Au fond des mes yeux
 

Voici ma voix encore à travers le grillage
De mes os, de ma chair comme une flamme prévue
Qui bientôt s’en ira telle une colombe sauvage,
Elle est déjà si loin qu’on doute de l’avoir vue;

C’était pourtant ma voix qui battait dans vos mains
Comme une veine trop pleine du sang d’une parole.
Navires, ces nuages gonflant le cœur du pain,
Ces neiges, ces hivers qui vers d’autres terres volent.

Très loin un jardin citadin avec des allées
Claires, et le sable sur lequel marchaient
Ces petits employés suaves parmi les plantes gaies
Un si aimable sourire, sur leurs lèvres, comme un archet.

Quelques vieux murs; une cour pleine de fantômes
Le printemps a de la peine à s’y faire une place.
Une joie si calme, si pauvre. Et tout est comme
Si cela se passait non pas ici, mais ailleurs; sans traces.

Chacun peut apercevoir le ciel comme une gravure
Avec une plage très bleue et des excursionnistes,
A l’étage une jeune fille fait des gammes au piano. Et des figures
Modestes, touchant à peine l’air comme une chanson triste.

Que pouvais-je encore voir ?
Des champs
Sans fin où le blé incline une tête blonde
Ces routes qui s’éveillent dans ma voix où le chant
Tombé comme un caillou, fait des cercles, des ondes.

Comment saurez-vous que ce fut moi et non pas toutes ces autres
Choses qui ont parlé par ma bouche quand je vous dis adieu ?
Voici ces aspects humbles, ces souffrances: les nôtres;
Une fleur arrachée : mon regard. Vous seuls au fond de mes yeux.
 

da La Poésie Commune
Ilarie Voronca

 

 

 

 

 

 

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in copertina e nel post

Sky above the clouds II

Sky above the clouds III
Sky above the clouds IV

 
di Georgia O’Keeffe